2-2 - La jungle des kW et des surfaces



Pour prendre contact Les unités de calcul ou de mesure



Les unités de calcul ou de mesure, quelles qu’elles soient, sont fondamentales parce qu’elles définissent des entités parfaitement différentiables. Seules celles d’entre elles qui sont strictement identiques peuvent faire l’objet d’opérations mathématiques ou de simples comparaisons.

Des erreurs catastrophiques peuvent passer totalement inaperçues en cas d’usage d’unités mal précisées ou seulement très ressemblantes. C’est par exemple le cas lorsque, par erreur résultant du langage courant ou d’un défaut de notation, on parle simplement de kilowatt-heure par m2 et qu’on compare le besoin spécifique d’énergie finale nécessaire au chauffage d’une construction passive équipée d’un système thermodynamique à au besoin spécifique d'énergie primaire nécessaire au chauffage d'une construction similaire équipée de simples radiants électriques. L’erreur peut dépasser un facteur 10 du fait du coefficient de performance du système thermodynamique et du facteur de conversion de l’énergie électrique finale en énergie primaire. Des explications plus précises sont fournies dans la suite de cet article.

Une comparaison rationnelle entre deux éléments quelconques ne peut exister que sur la base d’au moins un point commun quantifiable ou tout au moins qualifiable objectivement. Toute autre comparaison découlerait d’un jugement personnel et donc d’un avis purement subjectif et arbitraire. Dans le cas des unités rigoureuses de la physique, l’avis de chacun est sans importance. Deux unités notées différemment, même lorsque la différence de notation est de faible importance, impliquent que les valeurs qu’elles précisent sont des entités différentes qui n’ont aucun point en commun. Il n’est donc pas possible de les comparer directement. Dans certains cas, une conversion peut toutefois suffire pour pouvoir le faire. L’exemple du paragraphe précédent est particulièrement démonstrateur de ce dernier cas puisque, si l’indication indispensable du type d’énergie interdit toute comparaison directe, elle permet une conversion dans la même unité à condition de disposer des informations concernant l'efficacité du système thermodynamique et le coefficient de conversion de l'énergie utile en énergie primaire.

Les exemples suivants sont typiques des erreurs possibles :
  • L’unité de surface est généralement le m2 de surface habitable, la SHab. De nombreux autres types de surfaces existent comme la surface utile (SU) ou la surface de plancher (SdP) typiquement française. Ces types de surface uniquement utiles dans des domaines particuliers du bâtiment n'ont aucune relation entre elles. Il n’est donc pas possible de se contenter de les nommer à l’aide d’une seule unité générique de type m2 qui n’indique pas leur nature exacte. La notation générique doit être suivie de l’abréviation du type de surface pour être correcte. Les unités seront donc le m2SHab, le m2SU ou le m2SdP.
  • Les kilowatts, notés kW, et les kilowatts-heures, notés kWh, sont des unités de puissance et d’énergie. Les unités se ressemblent et sont en étroite relation, mais correspondent à des concepts différents.
  • Le mW et le MW sont deux unités très semblables et le remplacement de l’une par l’autre peut passer inaperçu. L’usage des lettres minuscules ou majuscules est pourtant capital. Le rapport entre le mW, qui désigne le milliwatt, et le MW, qui symbolise le Mégawatt, est à peine de …un milliard : 1MW = 1 000 000 000 mW. Une erreur d’une telle proportion est toutefois assez improbable.
  • L’énergie utile résulte généralement d’un calcul. L’énergie finale est celle qui est mesurée par les compteurs. L’énergie primaire, directement fournie par la nature, permet à la production de l’énergie finale. Ces trois énergies concernent des concepts différents et doivent être précisées non pas avec le symbole générique du kilowatt-heure, simplement noté kWh, mais avec des unités différenciées par l’adjonction de l’abréviation de leur type. Dans l’ordre de citation, les unités doivent ainsi être notées kWheu, kWhef, et kWhep afin de préciser la nature de l’énergie considérée.

Les unités physiques doivent être indiquées de la manière la plus précise possible.
Il ne peut y avoir comparaison que lorsque les unités sont strictement identiques.


Pour prendre contact Puissance et énergie



Les unités de puissance et d’énergie ne doivent pas être confondues. Le kilowatt kW est une unité de puissance alors que le kilowatt-heure kWh est une unité d’énergie. Énergie et puissance P sont toutefois liées puisque l’énergie E correspond à l’utilisation d’une puissance P pendant un temps T:

E = P * T

Dans cette formule :
  • l’énergie E est exprimée en kilowatt-heure : kWh
  • la puissance P  est exprimée en kilowatt : kW
  • le temps T  est exprimé en heures : h
De cette formule simple, résulte qu’à énergie égale, une plus grande puissance permettra de réaliser un travail plus rapidement puisque:

T = E / P

Dans le cadre d’une construction, l’énergie fournie par le système de chauffage doit être suffisante pour compenser la totalité des pertes d’énergie les jours les plus froids de l’hiver, au risque de ne pas pouvoir maintenir une température confortable. Pour une température de confort donnée et à rendement égal, la quantité d’énergie nécessaire sera assez proche si le chauffage fonctionne peu de temps à forte puissance ou longtemps mais à faible puissance. Une plus grande puissance permettra seulement de chauffer plus vite une maison après une longue période d’inoccupation par exemple

Pour prendre contact Les différentes unités de puissance



L’unité de puissance est le Watt W, ou le kilowatt kW, parfois le milliwatt mW ou le mégawatt MW.

Le tableau des conversions est le suivant :
  • 1W = 1000mW
  • 1kW = 1000W
  • 1MW = 1000kW
La puissance est toujours calculée ou mesurée. Il s’agit donc d'une valeur utile et il n’existe pas de notion de puissance finale ou primaire. Elle peut être spécifique à une entité, le m2 de surface habitable par exemple. Dans ce cas, l’unité de puissance spécifique doit faire référence à cette entité avec précision. Dans l’exemple précédent, l’unité est le kW/m2Shab. Ne pas préciser SHab pourrait conduire à comparer les kW/m2Shab et les kW/m2SdP qui n’ont rien à voir puisque les deux types de surfaces sont totalement différents.

Comme pour toute valeur physique, la comparaison de puissances ne pourra être réalisée que lorsque les unités de mesure seront strictement identiques.

Pour prendre contact Les différentes unités d’énergie



L’unité légale d’énergie est le Joule J qui correspond à une énergie très faible de 1Watt pendant 1 seconde, 1Ws. Dans le domaine de l’architecture, l’unité usuelle est le kilowatt-heure kWh, parfois le mégawatt-heure MWh.

Le tableau des conversions est le suivant :
  • 1Wh = 3600Ws = 3600J = 1000 mWh
  • 1kWh=1000Wh
  • 1MWh = 1000kWh
Trois types d’énergie sont pris en compte :
  • L’énergie utile - L’unité est notée kWheu : c’est l’énergie, généralement calculée par application des seules lois de la physique, strictement nécessaire à la réalisation d’une action. C’est, par exemple, l’énergie correspondant aux besoins de chauffage calculés avec le PHPP pour les maisons passives. Elle correspond à l’énergie finale dans le cas où il n’y a aucune perte depuis la source et à l’énergie primaire si le coefficient de conversion est de 1.
  • L’énergie finale - L’unité est notée kWhef : c’est l’énergie indiquée par les compteurs, c’est celle que vous aurez à payer. Elle correspond à l’énergie utile augmentée des pertes de rendement ou, inversement, diminuée grâce à l’usage d’un système thermodynamique ou solaire. Dans le cas, par exemple, d’un besoin de 100 kWheu et d’une chaudière dont le rendement est de 80 %, l’énergie finale sera supérieure à l’énergie utile et atteindra 100/0,8 soit 125 kWhef. Inversement, dans le cas d’un système thermodynamique dont le coefficient de performance est de 4, l’énergie finale pourra être réduite à 100/4 soit 25 kWhef.
  • L’énergie primaire - L’unité est notée kWhep : c’est l’énergie d’origine, celles qu’on trouve dans la nature, utilisable à l’état brut après extraction, transformation et transport jusqu’au lieu d’utilisation. Le pétrole, le gaz, le charbon, le bois et l’uranium sont des énergies primaires. L’électricité n’est pas naturelle. Elle résulte de la conversion d’une source d’énergie primaire en électricité, dans une centrale électrique, et nécessite un transport supplémentaire jusqu’à votre compteur. L’extraction, la conversion et les transports nécessitent de l’énergie dépensée en pure perte. Les taux français de conversion de l’énergie, définis par la RE2020, censés les représenter, sont pourtant tous définis à 1 sauf celui de l’électricité qui est de 2,3. Le fait que le bois soit renouvelable, et très probablement beaucoup plus proche du lieu final d’utilisation que le pétrole ou le gaz, n’est pas pris en compte. Les facteurs de conversion de la certification Passivhaus sont beaucoup plus réalistes puisqu’ils sont de 0,6 pour le bois, 2,6 pour l’électricité et 1,1 pour toutes les autres sources d’énergie. L’énergie primaire, qui provoque une forte incompréhension du fait des facteurs de conversion généralement méconnus, est le type d’énergie utilisé par la Réglementation environnementale française RE2020.
La méconnaissance de la distinction du type d’énergie, simplement notée kWh, peut conduire à des erreurs d’un facteur égal à 2,3 dans le cas des taux français de conversion de l’énergie électrique utile en énergie primaire et de 4,33 qui correspond au rapport entre le taux de 0,6 de conversion du bois et celui de l’électricité égal à 2,6, dans le cas du label Passivhaus.

Comme pour la puissance, les unités d’énergie peuvent être spécifiques à une entité, le m2SHab ou le m2SdP par exemple. Dans ce cas, l’unité d’énergie spécifique doit également faire référence à cette entité avec précision. Ne préciser, comme dans l’exemple du début de cet article, ni le type d’énergie ni celui des surfaces peut conduire à une erreur cumulée d’un facteur supérieur à 8. Il est de plus à noter que la notation vraiment correcte des unités d’énergies spécifiques ne devrait pas être le kWheu/m2SHab•an mais, du fait de la priorité des opérateurs mathématiques, le  kWheu/(m2SHab•an) ou le  kWheu/m2SHab/an. Il en va bien sûr de même avec l’énergie finale ou l’énergie primaire.

La comparaison des valeurs d’énergie implique que, comme pour les surfaces et les puissances, toutes soient indiquées ou converties quand c'est possible avec exactement la même unité.

Pour prendre contact Comparaison des unités



Les différentes unités d’énergie, les kWh, ou d’énergie spécifique, les kWh/m2•an, dont les différenciations par type ne sont pas précisées, conduisent notamment à l’erreur, très fréquente sur internet, de comparaison entre les principaux critères énergétiques des constructions RT2012 ou RE2020 et passives décrit ci-après :
  • Le besoin maximal de chauffage des constructions passives, certifiées Passivhaus, est de 15 kWh/m2•an.
  • La consommation des constructions RE2020 est limitée à 50 kWh/m2•an.
Pour de nombreux lecteurs, la conclusion logique est que les constructions passives consomment au minimum 3 fois moins que les constructions RE2020… et pourtant ce raisonnement est totalement faux pour plusieurs raisons :
  • Les éléments à prendre en compte pour le calcul des maisons passives et RE2020 sont différents
  • Les notions d’énergies sont différentes
  • Les méthodes de calcul sont différentes
  • Les calculs PHPP des maisons passives définissent des besoins réels alors que ceux de la RE2020 ne définissent qu’une consommation conventionnelle qui correspond plus à une note pour s’assurer du respect de la réglementation qu’à une réalité physique. Dans les deux cas, il ne s’agit pas des consommations réelles.
  • Des facteurs de conversion ne sont pas les mêmes
  • L’erreur de comparaison entre le besoin des maisons passives et la consommation conventionnelle de la RE2020 est en grande partie due au fait que les notations des unités ou leur transmission orale sont pratiquement toujours incorrectes et imprécises.

Les besoins des 2 types de construction devraient être indiqués tel que ci-après :
  • L’énergie utile pour le besoin de chauffage des constructions passives est limitée à 15 kWheu/m2SHab•an.
  • L’énergie primaire des constructions RT2012 est limitée à 50 kWhep/m2SHab•an pour les 5 besoins que sont le chauffage, la climatisation, l’eau chaude sanitaire, les auxiliaires de chauffage et de ventilation ainsi que l’éclairage.
Les deux unités correctement précisées n’ont finalement aucun point commun. Elles ne peuvent donc pas être comparées simplement.

Le fait de ne pas spécifier le type des unités d’énergie, le kWheu ou le kWhep, combiné à l’absence de précision sur le type de surface, la SHab ou toute autre et, indépendamment des unités et des méthodes de calcul, de ne pas préciser le type des prestations prises en compte dans la définition des besoins de chauffage du passif et de la consommation conventionnelles d’énergie primaire de la RT2012, permet d’aboutir pratiquement systématiquement à la conclusion précédente parce qu’elle paraît parfaitement logique. La réalité, qui dépend des coefficients de conversion de l’énergie utile en énergie primaire et des systèmes de production du chauffage, peut être très différente et varier, pour un même projet, dans d’énormes proportions parfois inférieures au facteur 3 mais souvent supérieures à un facteur 4.

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Dans la jungle des kWh, toutes les valeurs qui sont issues d’un calcul d’énergie primaire ou qui aboutissent à ce type d’unité doivent être vérifiées avec attention. Les coefficients de conversion résultent plus de choix politiques influencés par le lobbying des producteurs d'énergie que de réalités incontestables de la physique. Ils varient en fonction des concepts et des pays dans des proportions qui peuvent être très importantes. Un des cas les plus flagrants est le rapport de 60% entre le coefficient de conversion du bois du label Passihaus et celui de la RE2020 qui est de 1, comme si le bois dont nous disposons et le pétrole ou le gaz que nous importons nécessitaient la même énergie de transformation et de transport du lieu de prélèvement au lieu de son usage!

Dans le cas de l’énergie primaire, l’usage correct des unités n’est pas suffisant. Les comparaisons ou opérations sur des valeurs qui concernent ce type d’énergie ne sont réalisables que dans le cas où les coefficients utilisés pour les obtenir ont la même origine.





En résumé :
  • Les unités du label Passivhaus sont le kWheu et le m2SHab
  • Les unités de la RE2020 sont le kWhep et le m2SHab
  • Le type d’unité doit être indiqué avec la plus grande précision possible pour limiter tout risque d’erreur
  • Les comparaisons ou opérations sur des valeurs d’énergie primaire ne sont réalisables que dans le cas où les coefficients utilisés pour les obtenir ont la même origine.


Thème 2 - Les connaissances de base